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L’Enfer d’HenriGeorges Clouzot

En ce moment est diffusé sur quelques écrans à Paris un documentaire tout à fait remarquable sur le tournage avorté d’un film pourtant resté dans les annales, L’Enfer d’Henri Georges Clouzot.

La magnifique frimousse de Romy Schneider et le charisme type pierrot la lune de Serge Reggiani sont resté enfermé pendant plus de 4 décennies dans des centaines de boîtes, dans des kilomètres de bobines. Jusqu’à ce que Bromberg se retrouve coincé dans l’ascenseur avec la veuve Clouzot, et tire de ce projet avorté un livre, Romy dans L’Enfer, et puis un documentaire.

 

L’Histoire de ce film aurait déjà de quoi nourrir l’imaginaire d’un romancier ; entamé sur une lubie d’un réalisateur qui voulait révolutionner le Cinéma, le scénario a tout de suite rassemblé une équipe fidèle à Clouzot pour se lancer dans un projet fou. Ce serait l’histoire de Marcel, amoureux fou et jaloux pathologique d’Odette, que jouerait la toute jeune Romy Schneider (26 ans). Le film s’appellerait l’Enfer, et serait un évènement planétaire.

 

Raté, ou presque Le film ne verra jamais le jour, mais deviendra quand même un mythe de l’histoire du cinéma. Reste que l’enfer, et c’est ce que nous montre très bien ce doc, était bien plus réel sur le plateau du tournage que devant la caméra.

 

Le Documentaire que tourne Serge Bromberg (qui assure aussi une voix OFF juste bien dosée) nous parle de la folie artistique d’un homme qui s’est vu offrir carte blanche pour tourner son œuvre, et qui s’est laisser posséder par elle. Bromberg nous présente les équipe qui tournèrent (ou tentèrent de tourner) avec Clouzot, et c’est dans leur récits, leurs commentaires parfois cocasses, acides souvent, assez régulièrement émus, que l’on découvre derrière la pipe et les yeux sombres du réalisateur de Quai Des Orfèvres un artiste tyrannique qui se trouve être le premier tyrannisé par son art, son talent, une idée.

Parce que Clouzot savait bien avant le départ de Reggiani que son film ne verrait pas le jour. C’était trop fou, trop ambitieux, trop confus, trop rare pour être réalisé. Les images, pourtant, restent. Ce sont quinze petites minutes de film utilisées dans le docu pour synthétiser des heures de tournage, d’essais, comme des tâtonnements. Un projet dantesque au budget illimité aux mains d’un artiste totalement acquis à son œuvre et parti le nez dans le guidon, guidé par une vision.

Cette vision s’incarne dans ces images extraordinaires, paranormales, psychédéliques, miraculeusement dépoussiérées par Bromberg. Le documentariste les place remarquablement bien entre deux entretiens avec les assistants, décorateurs, régisseurs ou acteurs, qui tous sont sortis marqués (voire changés) du tournage. L’œuvre est devenue plus tyrannique que Clouzot lui-même, et lorsque l’on connaît le personnage, ce n’est pas rien.

Mais voilà, ce que nous dit surtout Bromberg, c’est qu’il n’est pas d’œuvre que l’on puisse abandonner. Quelque soit la fin que l’on devine au film, il faut le mener à bout, ne pas lâcher, assumer jusqu’à la fin cette vision artistique à laquelle on veut bien croire. Le tournage de l’Enfer, c’est trois semaines d’angoisse et d’inquiétude croissantes dans un cadre idyllique (un hôtel au bord d’un lac), une équipe qui passe ses journées à attendre en vain un mot du réalisateur, un acteur principal de plus en plus sous pression qui finit par tout laisser tomber, un réalisateur de plus en plus désemparé qui fini par faire un infarctus, et un budget de 5?036?000 francs de l’époque qui sera pris en charge par les assurances.

Voilà donc un documentaire passionnant mené de main de maître, à la fois très fourni en renseignements, très intelligent, qui ne tombe ni dans le reportage pathétique, ni dans l’hermétisme du film d’initiés.

A voir, à revoir, et à lire aussi !

L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot, documentaire réalisé par Serge Bromberg, Ruxandra Medrea
Avec Romy Schneider, Serge Reggiani et d’autres. Durée 1h34 min Année de production : 2009

Le livre : «Romy dans L’Enfer», texte de Serge Bromberg. Albin Michel-Lobster (25 €).

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